Encouragement à vivre

La part d’absurdité, d’innécessité, pertes de temps, atermoiements, échanges stériles, etc., qui composent une bonne part de ce que nous appelons « la vie » ne doivent pas nous en faire désespérer au point d’imaginer qu’il y aurait une autre vie, supérieure, que nous pourrions appeler « la vraie vie » et qui se confondrait, par exemple, avec telle ou telle branche de l’activité artistique (un peu comme quand on dit bêtement, citant Proust à peu près, que « la vraie vie, c’est la littérature »). Que la vie, ce que j’appellerai « la seule vie », soit pour une grande part totalement vaine, et qu’en ce sens, elle ne vaille vraiment pas la peine d’être vécue, est vrai et, en quelque sorte, indépassable. Ici il faudrait un « mais », mais non. Il n’y en a pas. Il faut prendre son parti de la vie vaine et la vivre malgré tout. Si je suis suffisamment fort, je la traverserai, non comme une épreuve, mais comme une banlieue sale et repoussante de laquelle on voudrait détourner le regard. C’est ce qu’on fait la plupart du temps, mais elle ne cesse pas pour autant d’exister. Au contraire, il semble même que l’ignorance dans laquelle on la tient la consolide et qu’au lieu de tomber en ruines, elle parvienne à s’étendre toujours un peu plus. Chaque jour, la banlieue s’étend. Je vais traverser la banlieue détestable de la vie, je vais rendre vaine la vanité. Parce qu’il faut que je sois fort. Parce qu’il faut que je vive. (— Si ces lignes ne te semblent pas complètement risibles, c’est qu’il convient parfois de t’encourager à vivre. Alors que peut-être, tu préférerais une forme plus végétative d’existence. Comme si cela pouvait t’apporter la paix. Tout au plus, l’ennui qui n’en finit plus et en vient à se confondre avec le bleu gris du ciel au milieu de l’automne.)

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Classé dans Littérature, Théorie

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